"Interpréter n'est pas seulement traduire d'un langage à un autre langage, ni non plus fixer le sens d'une parole en signification thématisée. C'est permettre que le sens se meuve et circule sous les expressions diverses et multiples qu'emprunte le langage pour lui donner corps et vie." Marc-Alain Ouaknin. Concerto pour quatre consonnes sans voyelles. Pages 207-3§, PAYOT 2003

samedi 29 septembre 2007

L'ETOILE DU NEGRE - 10ème partie

DIXIÈME PARTIE

Souvent, très tard dans la nuit, lorsqu'après avoir revu mes leçons et fini mes devoirs sous la faible lueur de la vieille lampe à pétrole dont ma mère avait pris soin de remplir le réservoir, je n’arrivais pas à trouver le sommeil, j'allais sous l’avocatier en plein milieu de notre parcelle contempler au clair de la lune les ciels, les multitudes d’étoiles qui scintillaient en haut comme des pépites de diamants au creux de la main du bon Dieu.

J’avais très mal aux yeux à cause de la fumée noire qui s’échappait des trous d’aération de la lampe, car je passais beaucoup de temps seul avec mes stylos, mes cahiers et mes livres, pour mieux connaître ce qu’ils avaient dans le ventre. Il était question de mon avenir, il était question de mon existence future. C’est mon père qui me l’avait fait entrer dans le crâne à force de me le ressasser tous les jours dès mon plus bas âge.

- Mon petit Justin, me disait-il chaque fois, tu n’as pas meilleurs amis que tes cahiers, tes livres, tes stylos, tes crayons. Ne t’en sépare jamais.

C’est vrai qu’on a toujours besoin d'un plus petit sur soi, une petite pensée pour animer les mondes, une petite attention à celle ou celui que vous portez dans votre coeur, un petit doudou pour vous endormir les soirs, et enfin, toujours, un petit crayon sur soi qui vous ressemble et qui vous obéit à l'idée, à la pensée, qui se laisse attraper et emprisonner entre les bouts des doigts pour tracer des lignes interminables, insensées lorsqu'on les détaches les unes des autres. Les lignes de nos pensées reproduites dans nos écrits, n'ont des sens qu'unies les unes des autres dans un tout parfait. Détachés les uns des autres, les traits de nos idées n'ont plus aucun sens, comme l'objet de nos amours détaché de notre coeur.

Certains crayons portent des marques indélébiles des mordillements à force de réflexion. Je me suis toujours dit que lorsque les cerveaux de génies s'enfument d’idées, les crayons et les feuilles blanches tremblent.

N’est-ce pas que le crayon est l'ami fidèle de tout écrivain? Comme les larmes sont les amies fidèles des pleurnicheurs. Le stylo, lui, du moins qu'on en dise, ne se plaint pas de tous les maux qu’on lui fait subir pour enluminer le monde.

Avec quoi nous le rémunérons ? Avec rien. Dès qu'il n'a plus d'encre, on le jette comme une vieille chaussette qui ne sert plus à rien et qui pue en plus.

Mais certains crayons ont quand même eu la grâce de passer par les mains des hommes géniaux et ils ont servi à sauver des vies, à illuminer des destins, à libérer l'homme de l'esclavagisme de toute sorte, à montrer de doigt des voies à suivre pour ne pas passer par Rome pour aller au Paradis… C’est leur destin de crayon !

Car, qu'aucun ne vous trompe: tout chemin ne mène pas à Rome et toute voie ne passe pas forcément par là. Il y a des voies, des choix dans la vie qui vous font faire tout un grand détour, pour revenir à la case départ sans aucun progrès après avoir perdu un temps fou et de l'argent.

Faire et refaire c'est toujours travailler, dit-on, mais à force de refaire tous les temps, on demeure enfant à l'âge de la vieillesse. Quand à moi, l'expérience ne m'a rien appris pour tomber toujours, butter à chaque fois sur le même obstacle. Mais à chaque épreuve, je grandis un tout petit peu et j'apprends encore de l'homme, de la femme et de l'existence.

Combien d'hommes, combien de femmes sont prêts à détrure leur vie pour quelque chose de passager? Combien sont prêts à détruire la vie des autres, écraser leurs espoirs, anéantir leur personne pour un morceau de papier qu'ils laisseront d'ailleurs en mourrant? Oh! Mon Dieu! Oh! Mon Dieu!

Il y a des hommes humbles qui passent volontiers leur chemin dans l'ombre, mais la lumière que dégage leur trait de génie, illumine et irradie les esprits sagaces de la façon dont eux-mêmes ignorent. Mais combien de génies ont sombré dans la bassesse pour avoir voulu trop vite escalader les échelons et toucher les ciels des dieux. Icare s'est brûlé les ailes pour avoir voulu trop s'approcher du soleil. Il est tombé plus bas et en a perdu la vie: tant mieux! Il n'avait qu'à savoir que le soleil n'est pas un feu avec lequel on peut jouer impunément.

je sais que j'ai aimé une femme ingénieuse, une génie. Et toutes les femmes que je vais écouter ne m'apporteront jamais les morts de sagesses toutes simples qu'elle me disait dans sa fragilité à affronter la vie qui devenait de plus en plus dure à ses yeux. Il y a des coeurs des femmes qui savent parler aux coeurs des hommes.
* * *
J'étais là allongé sur le sable, les yeux plongés dans les ciels étoilés. L'air était frais. Une brise légère me caressait le nez avec le parfum d'argile trempée. Contempler ainsi les ciels veloutés de la nuit, jouir du calme et de la paix nocturnes et respirer de l’air pur de la nuit jusque très tard comme si l’on était tout seul sur la terre, apaisaient agréablement mes douleurs occulaires avant d’aller me coucher.

Le ciel alors ressemblait à un vaste océan bleu foncé sur lequel dansaient en surface les reflets des rayons lunaires, éparpillés comme par magie en des milliers de petites particules sur les eaux calme de l’océan, ou à un énorme drap de velours étiré de tous les coins sur lequel on aurait accroché des boutons d’ors. Je m’asseyais au pied de l’arbre. C’était un avocatier. Et je me perdais dans les dédales des voies et des sentes invisibles du firmament. Et là, observant une à une les étoiles, j’avais repéré la mienne, L’étoile du nègre.

Elle était isolée et brillait plus que toutes les autres.

Je me disais qu’il viendra le temps, le jour, où ma vie aussi brillera comme elle. Je ne savais pas quand, ni comment, non plus l’endroit où l’événement allait se produire. Mais j’avais cette assurance là que personne ne pouvait expliquer, comme une intuition. Je n’étais peut-être pas né au bon endroit, qui sait? au Congo, je n’étais peut-être pas nés au bon moment, pendant les turbulences des indépendances africaines des années mil neuf cents soixante, mais de là où j’étais, je pouvais contempler mon étoile, l’étoile du berger, l'étoile du nègre, celle qui montrait à mon âme ainsi qu'à toute l’humanité le chemin de la vérité et de la Vie.

C’était ma chance. Je l’ai saisie.

Contempler mon étoile et voir toute mon existence défiler comme dans un film devant mes yeux dans un rêve éveillé. Je lui parlais, à mon étoile, comme à un ami, comme à un père, à un confident, comme à un lointain ancêtre, très proche.

Je lui disais mes peurs, mes espoirs et mes projets…

Et je me taisais pendant quelques minutes comme attendant la réponse. Entre mes murmures et son silence, le dialogue était éloquent, plus que spirituel. Je riais comme tout seul, mais c’était avec elle. J’avais l’impression d’être ou de redevenir un petit enfant qui s’adressait à son père.

Seul, j’avais l’air d’un fou : mais je me foutais complètement du peu de gens qui, traînant dans la nuit, passaient et me regardaient d’un air étonné.

- Tient qu’est-ce que tu fais là dans le noir ?

- Rien.

Être dans l’ombre sans lumière, c’est comme n’avoir aucun espoir dans la vie. J’avais mon étoile là-haut qui me consolait, j’avais de l’avenir, et j’attendais…

La nuit ne sera pas plus longue que le jour quand le soleil se lèvera. Nous y penserons, nous le regretterons, nous regretterons notre impatience, nos peurs, nos angoisses inutiles : et nous nous dirons qu'il aurait valu la peine d'attendre.

Je le dis pour ceux ou celles qui en ont marre de rester dans l'ombre. Je leur conseille de garder espoir et d'être patient. Elle, l’étoile du berger, me disait qu’elle était là depuis le commencement du temps et qu’elle attendait que je la retrouve, que je la reconnaisse et que je vienne à elle, mon étoile, mon ami, mon père. Elle me disait de suivre le chemin pour trouver l’enfant, le Fils. Et que lorsque j’aurais trouvé l’enfant, le Fils, que je fasse un avec lui, que je redevienne enfant en lui, que je renaisse de nouveau en lui, que je grandisse en lui et avec lui, que je vive en lui et avec lui et que je meure en lui et avec lui, que je ressuscite en lui et avec lui et que je sois en lui, avec lui, pour lui pour toujours, lui, ma lumière, ma vérité et ma vie.

Une voix me disait en me chantant une merveilleuse berceuse au plus profond de moi: "La vérité est dans l'enfant. Qui a trouvé et saisi l'enfant a trouvé la Vérité."

Je ne savais pas que la vérité était dans l’enfant. Regardez bien votre enfant, la vérité est dans lui. Pas l’enfant que vous portez dans vos bras, fruits de vos ébats fougueux avec le sexe en face et en phase de votre épouse, mais l’enfant que vous portez dans votre cœur sans le savoir, l’enfant que vous êtes sans le savoir par rapport à Dieu.

Cet enfant doit naître dans l'enfant, le Fils, grandir en lui et avec lui et devenir un homme en lui à la taille de Dieu, à l’image parfaite de Dieu, comme un Dieu qui se serait fait homme en vous.

Regardez-vous bien et cherchez votre enfant. Eduquez-le, enseignez-le et aidez le à croître, à devenir un homme, un vrai homme, une femme, une vraie femme.

La vérité est dans l’enfant que vous êtes : car vous n’avez jamais cessé d’être un enfant, quelque soit le nombre de vos années, et vous ne cesserez jamais d’être un enfant pour Dieu, votre créateur.

Pourquoi croyez-vous que les psychologues cherchent dans votre enfance pour connaître ce qui vous perturbe et nuit à votre existence présente? Parce qu'ils ont compris que la Vérité qui est dans l'enfant que vous étiez et que vous êtes, permettra de voir clair l'origine de vos problèmes présents!

Vous serez pour moi, très ctoujours, une enfant indocile et je serai pour vous un père, un frère, un ami et un... à quoi bon ressasser les choses indicibles...

Pourriez-vous avec l’aide de Dieu et selon sa parole engendrer de cet enfant que vous portez dans votre cœur, un homme nouveau-né ? Pourriez-vous l’aimer, l’aider à grandir et à prendre ses responsabilités pour vaincre les extravagances de ce monde où le mensonge s’impose en enseignant la Vérité ?

* * *

Croyez-moi, le sort de ce monde dépend de cet enfant. Je vous en prie, aidez-le ! Aidez-le bien naître, à grandir pour votre bonheur! Aidez-le, je vous en supplie !

Et un soir, le ciel s’enfumait des nuages gris, jetant sur la terre une ombre qui la couvrit et la plongea dans le noir. J’avais cru voir un gigantesque fantôme de Serge Gainsbourg fumant de ces Havanes qui lui étaient si chères.

De là où j’étais, je ne pouvais plus dans le ciel revoir mon étoile, l’étoile du nègre, celle qui brillait plus que toutes les autres étoiles, et qui montrait le chemin de l’enfant nouveau-né à toute l’humanité, l’étoile du berger.

Il disparut derrière ce drap gris de coton vaporeux qui progressait doucement vers l’est. Il m’arrive encore, lorsque, perché sur mon balcon, je lève mes yeux au ciel au clair de la lune, de chercher à la revoir là-haut, l’étoile du nègre.

Toujours isolée et plus brillante que toutes les autres. Mais je ne l’ai plus revue. J’ai compris que ce n’était plus là-haut. L'amour s'en est allé loin de ma chaumière, emportant le foetus de l'enfant et la femme.

La foetus n'est plus, mais la femme demeure, pleine de vie, de fierté et de prestance. Lorsqu'on a vendu le prémice de ses entrailles au mensonge pour se donner une image de sainteté, qu'est-ce qu'on demandera au monde pour oublier cette atrocité? Une justice équitable? Un pardon sincère?
Les complices, ceux qui ont cautionné le mesnonge, seront témoins devant Dieu pour déposer contre l'innocent et ils perdront parce que la Justice inéffable de Dieu les aura convaincus que la Vérité est inaliénable.
Mais contrairement à la femme, moi, j'avais gardé dans mon coeur l'enfant, au plus profond de mon coeur. Et tandis qu'elle faisait le deuil, l'enfant me parlait et m'invitait à poursuivre mon chemin pour une gloire, une joie inéffable. Il était mon étoile, il était dans mon coeur.
Qui pouvait voir mon étoile, mon enfant dans mon coeur...
Il y a des moments où j'y pense sérieusement. Peandant trois années, j'avais caressé le désir d'avoir un enfant, de prendre du sein de mon épouse chérie, ce bout de choux qui vous fait bondir le coeur de jeunesse malgré les poids des âges... L'enfant que je n'aurai jamais, l'enfant queje caressaerai jamais, je lecaressais dans mon coeur, je l'avais dans mon âme... C'était tout mon bonheur.

C’était désormais dans mon cœur qu’il y avait mon étoile tant aimée, celle qui brillait plus que toutes les autres, l’étoile du nègre, l’étoile du berger, celle qui aide, au jour le jour, l’enfant que je demeure, à mieux exister, dans l’amour et la paix, parmi les enfants que nous sommes, nous, les hommes dans l’univers.

Le cœur de nègre, c’est mon étoile, c’est moi.

Je brillerai tant que le ciel sera clair et qu’aucun nuage ne le couvrira. Que des nuages, si épais soient-ils, le couvrent ! Je les percerai de mes rais comme quand le ciel pactise avec la pluie pour empêcher le soleil de briller et que le feu, toujours majestueux et puissant, les perce pour faire briller les couleurs du sombre destin de tous les humains.

Si vous ne regardez qu’à cette vie avec les choses matérielles passagères qu'elle draîne et vous vous en inspirez pour reconstruire la vôtre en regardant avec envie ce que font les autres, vous deviendrez un monstre sans coeur, sans amour, sans aucune espèce de compassion: mais si vous regardez à votre cœur et que vous y plongez votre esprit, du monstre que vous vous découvrirez être parmi les hommes, vous vous reconstruirez et vous deviendrez un saint.

Parole d’homme.

Justin Jules SIMBA

Saint-Quentin,Le 29 septembre 2007

4 heures du matin

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